Après la Fresque du Climat, la Fresque des Nouveaux Récits créée par Alexis Klein nous propose de mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau et d’explorer le rôle des récits dans notre société. Objectif? Se projeter dans un futur possible et souhaitable, que l’on aurait envie de construire concrètement.
Réchauffement climatique et surexploitation des ressources mèneront inéluctablement à l’effondrement systémique global de notre civilisation, prévenait en 2005 le biologiste et géographe américain Jared Diamond dans son ouvrage « Effondrement ». Un récit qui ne laisse pas rêveur…
Comment réagir face aux annonces scientifiques, toutes plus catastrophiques les unes que les autres, sur l’avenir de notre planète, à l’instar du dernier rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique dédiée à la biodiversité (IPBES) qui préconise notamment de taxer la viande?
Une urgence connue de longue date
Cela fait depuis les années 60-70 que l’on parle d’urgence environnementale. En 1972, le Club de Rome se fait connaître par son premier rapport, « The Limits to Growth » (« rapport Meadows »), traduit en français par l’interrogation « Halte à la croissance? ». Aujourd’hui, face à l’urgence climatique et aux virus qui nous submergent, nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas. Nous avons donc le choix : continuer sur notre trajectoire, dans le déni de la réalité, ou bifurquer vers de nouveaux horizons.
« Quand on ne sait plus comment accueillir le réel, la perspective s’ouvre pour de nouveaux récits. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux de la catastrophe écologique sont contrastés » analyse à juste titre Catherine Vincent dans son article du 3 janvier 2019 . « D’un côté, les défenseurs d’une gouvernance supranationale, capitaliste et autoritaire, prenant en main la sauvegarde de la planète à l’aide de la géo-ingénierie : un terme popularisé par l’environnementaliste britannique James Lovelock, qui désigne des techniques visant à manipuler, dans un but correctif, le climat et l’environnement de la Terre. De l’autre, les partisans de la décroissance économique, d’une renaissance des communs et d’un basculement révolutionnaire vers des sociétés du bien-vivre et de l’autonomie. Entre ces deux extrêmes, toute une gamme de positionnements allant du réformisme à la radicalité politique. », poursuit-elle.
Les différents récits
Certains semblent vouloir profiter des ressources planétaires jusqu’à la dernière goutte d’eau potable sans égards pour les conflits que cela génère déjà. D’autres rêvent d’entraide, de cheminement intérieur et de remise en question radicale de notre vision du monde pour affronter ce qui vient, convaincus que ces nouveaux récits sur le partage, le besoin de l’autre, le bonheur et le sens rencontrent aujourd’hui une nouvelle écoute.
Mais il y a aussi ceux, transhumanistes, qui suggèrent d’utiliser différentes technologies, notamment le génie génétique, afin de rendre les êtres humains plus respectueux de l’environnement… Quel récit l’emportera?
Il est de nos jours plutôt compliqué, avec l’information et les récits actuels, d’évoluer vers ce que certains appellent « Le Monde d’Après ». C’est pourquoi la Fresque des Nouveaux Récits revient sur la façon dont notre cerveau s’est construit au fil du temps, pour tenter de comprendre pourquoi ce dernier peut avoir du mal à s’adapter au monde d’aujourd’hui.
De la théorie de l’évolution à l’infobésité
Comment en sommes-nous arrivés là? La Fresque des Nouveaux récits propose, à l’instar de la Fresque du climat, de jouer à replacer des cartes dans un ordre causes / conséquences pour y voir un peu plus clair et comprendre les mécanismes nous poussant, ou pas, à l’inaction environnementale.
C’est ainsi que l’on découvre dans le premier lot pourquoi et comment les structures du cerveau se sont développées dans l’histoire. « Les individus adaptent leur comportement et leurs stratégies en fonction des informations perçues grâce à leur cinq sens. Cela peut mener ou non à la survie », rappelle la carte Comportements adaptatifs. L’occasion pour l’animateur Alexis Klein de poser la question suivante : quelles sont les fonctions communes à tous les cerveaux?
Il y en a quelques unes : par exemple la mémoire (mémoriser un danger permet de s’en prémunir), les émotions (le circuit de la peur permet de réagir vite face à un danger), le circuit de la récompense (il incite à suivre des comportements de survie : manger, se reproduire…), le langage (grâce à lui, les individus Homo Sapiens ont pu coopérer et surpasser les autres espèces, malgré leur physique anodin), l’alerte du cortex cingulaire (lorsque nous perdons le contrôle d’une situation)…
Il est parfois utile de se rappeler comment fonctionne notre cerveau, malgré la complexité du sujet, pour tenter de comprendre le genre humain d’aujourd’hui.
Le rôle de la publicité dans nos motivations primaires
Un peu plus loin dans la Fresque, nous apprenons comment la publicité stimule nos motivations primaires et provoque l’anticipation d’une récompense, avec la libération de la dopamine, responsable du désir et du plaisir.
C’est donc l’anticipation d’une récompense (le circuit de la récompense, ainsi que celui de la punition, fournissent la motivation nécessaire à la plupart de nos comportements) qui nous pousse à consommer! Mais pas que. Au cours du jeu, nous rencontrons différentes notions : infobésité, biais et heuristiques, chambres d’écho, théories du complot, dissonance cognitive … On comprend mieux comment et pourquoi notre société stagne dans l’inertie des imaginaires, ce qui n’aide pas au changement massif des comportements.
La dissonance cognitive?
Prenons l’exemple passionnant et répandu de la dissonance cognitive, cette tension que l’on ressent lorsque notre attitude, notre comportement entre en contradiction avec nos idées ou croyances. Illustration : « Nous pleurons la destruction de l’Amazonie, tout en remplissant nos assiettes de la chair d’animaux nourris avec le soja qui remplace là-bas la forêt pluviale. Nous nous alarmons de l’érosion de la biodiversité et du réchauffement, mais nous perpétuons une pratique qui remplace les espaces naturels et les puits de carbone par des millions d’hectares de grandes cultures dévolues à nourrir des animaux qui seront abattus sans avoir jamais vu le jour. Et sans qu’il n’y ait d’autres motifs à cela que le plaisir et l’habitude », rappelle Stéphane Foucart dans sa chronique du 10 octobre dernier.
De nouveaux récits pour une nouvelle vie
Que fait-on généralement face à cela ? Soit on modifie nos convictions, cela nous fait économise de l’énergie, soit le malaise est trop grand, et on change de vie pour être plus cohérent. Ou alors on fait l’autruche et on dénie toute responsabilité dans les malheurs du monde. Notre cerveau est capable de tout, même de minimiser de graves problèmes pour les rendre finalement acceptables…
C’est pourquoi nous avons plus que jamais besoin de nouveaux récits, pour tenter de faire sauter les verrous constatés dans la partie théorique et visibles avec les cartes de cette Fresque que nous vous invitons à découvrir (NB : je me suis formée à l’animation de cette fresque avec 26 autres animateurs, n’hésitez pas à me contacter pour organiser une session en ligne).