Ecologie, interview

Je rêve d’un autre monde

Le 24 janvier, est paru « Je rêve d’un autre monde », aux éditions Alisio (Leduc.s). Caroline Frisou et Aurore Monard, les fabuleuses auteures de cet ouvrage moderne, sont allées à la rencontre d’acteurs et d’actrices du changement, dans le domaine de l’environnement, de l’entrepreneuriat, de l’éducation ou encore de la santé. Elles m’ont posé quelques questions sur mon parcours et mes aspirations, voici mes réponses d’origine.

Y a-t-il-eu un élément déclencheur au cours de votre vie qui vous a conduit à faire ce que vous faites ?

J’ai toujours été passionnée par les animaux, ils m’accompagnent depuis ma plus tendre enfance. L’arrivée de mon poney, Booba, en 2012 a changé beaucoup de choses dans ma vie. C’était un poulain destiné à l’abattoir que j’ai décidé de sauver sur un coup de cœur intuitif.

Je n’avais pas prévu d’avoir un cheval à cette époque de ma vie très remplie, mais je n’ai jamais regretté ce choix décisif. J’ai toujours été attirée par ce noble animal et je suis aujourd’hui convaincue que le cheval est un vrai révélateur d’âme. Booba m’a appris à regarder en face mes souffrances, à me libérer de certaines croyances, en agissant comme un miroir… Il m’a aidé à enlever une à une toutes ces couches qui obscurcissaient ma vision de la vie, en pointant mes incohérences, ou en me montrant que je pouvais m’autoriser à être libre, d’avoir un enfant par exemple.

C’est encore aujourd’hui mon thérapeute attitré, avec ma chienne Shanti, mon chat Maoû et mon âne Pompon. Ils m’aident à cheminer vers mon destin, chaque jour.

Quel est votre grand POURQUOI ?

Je me suis toujours demandé quelles étaient ma place et ma mission sur Terre. Je n’ai pas, à l’heure actuelle, complètement trouvé la réponse, mais j’ai des pistes ! Je me suis rendue compte que j’aimais transmettre des connaissances, informer et relier les gens entre eux et surtout sensibiliser sur les sujets qui me tiennent à coeur : la protection des animaux et de la nature. 

Ma grande question reste : pourquoi l’être humain continue-t-il à scier la branche sur laquelle il est assis en détruisant la planète et ses habitants? Pourquoi n’accordons-nous pas davantage de droits aux animaux non humains?

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir une actrice dans le domaine de la cause animale et de faire bouger les choses ?

Cela s’est fait assez naturellement. J’ai commencé par faire des études de droit. Comme le droit animalier n’existait pas encore au début des années 2000, j’ai fait du droit de l’environnement tout en m’investissant dans différentes associations de protection de la nature. C’est là que j’ai côtoyé des militants écologistes : ils m’ont donné le goût d’en savoir toujours plus et de continuer à aller vers ce qui me passionnait. Après mes études, j’ai fait des stages dans des cabinets d’avocats, me préparant à l’école du barreau. J’ai vite constaté que je serais amenée à défendre des pollueurs en faisant ce métier. Comme cela ne correspondait pas à mon éthique, je n’ai donc pas poursuivi dans cette voie. J’ai trouvé assez vite un emploi dans une maison d’édition juridique, puis me suis formée au journalisme. J’ai ensuite travaillé pour des magazines spécialisés dans l’environnement et la cause animale. 

Il me manquait l’aspect politique. Alors j’ai rejoins l’équipe d’une députée Européenne au parlement Européen. Cela m’a permis de comprendre comment les textes juridiques naissaient, comment s’opéraient les négociations avec la Commission Européenne, et de voir comment cela se passait également avec les lobbies. 

Puis est arrivé ce poney dans ma vie, qui m’a fait me poser la question de savoir si je faisais réellement ce que j’aimais dans ma vie. Des séances en hypnose m’ont aidé à quitter ce travail dans lequel je ne m’épanouissais plus et je me suis formée à tout autre chose : la communication intuitive avec les animaux. Cela a étonné ma famille parce que cela sortait de l’ordinaire et ne correspondait pas aux croyances qu’ils portaient. Ces formations m’ont permis de sortir d’un brouillard dans lequel j’étais depuis longtemps. Je suis ensuite revenue à mon métier de journaliste et au droit animalier, mais avec une vision complètement différente de la vie. 

De par votre expérience, est-ce que vous pensez que la politique peut changer quelque chose au niveau de la cause animale ?

Oui c’est incontestablement un puissant levier d’action. Plus il y aura de textes de loi protégeant les animaux, plus on verra de changements sur le terrain. C’est pour cela que j’ai fait partie de l’équipe fondatrice d’un mouvement politique qui s’appelle « Le Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant (REV)». J’étais très enthousiaste et je me suis engagée fortement. Mais, je me suis aussi heurtée à la difficulté de rassembler les différents acteurs de la sphère antispéciste et environnementaliste… Je n’ai pas eu d’autre choix que de me retirer au bout d’un an de bénévolat. Cette expérience m’a néanmoins permis de rencontrer des personnes extraordinaires. Et cela m’a montré qu’il y avait un potentiel politique à ce niveau-là : nous sommes au début de quelque chose et que cela va s’amplifier, il n’y a qu’à constater l’essor du Parti Animaliste aux dernières élections européennes.

Par rapport à la cause animale, quels sont selon vous les 3 enjeux principaux ?

L’éducation en premier : dès le plus jeune âge, que ce soit à la crèche, à l’école, à la maison, il faut transmettre aux enfants, le respect de l’animal, du végétal et de l’humain, afin de mettre fin aux discriminations qui apportent souffrances et injustices. Les enfants sont tout a fait capables de comprendre cela. Malheureusement, les lobbies, de l’industrie agroalimentaire par exemple, sont très puissants et viennent marteler des messages dépassés dans les écoles. Ils ne portent pas les valeurs qu’il faudrait véhiculer aujourd’hui. Il faudrait aller vers un peu plus de compassion, d’altruisme et d’empathie envers l’ensemble du vivant pour que les enfants d’aujourd’hui puissent mieux protéger la planète quand ils seront adultes demain .

La consommation : Nous sommes des consom’acteurs. Ce mot est aujourd’hui rentré dans les mœurs, il signifie que nous avons un certain pouvoir un utilisant intelligemment notre portefeuille. Arrêtons de surconsommer, de gaspiller, d’acheter des choses dont nous n’avons pas besoin ou qui sont néfastes pour l’environnement. Le boycott peut être très utile, les industriels arrêterons de vendre ce que les consommateurs refuseront de cautionner. Je m’en suis vraiment rendue compte en 2009/2010, quand j’ai arrêté de manger des animaux. J’ai réalisé que les publicitaires nous faisaient croire n’importe quoi ! Non le saucisson ce n’est pas issu d’un petit cochon rose souriant comme l’indique l’image sur le paquet, mais bien d’un animal qui a souffert toute sa vie pour finir saigné dans d’atroces souffrances. Il faut ouvrir les yeux, même si la réalité, non édulcorée, n’est pas facile à regarder en face. Ce n’est pas simple de sortir de ses habitudes car nous avons été pendant très longtemps conditionnés par des slogans mensongers. 

Le troisième point, c’est l’antispécisme : cela rejoint les deux autres. Il s’agit de ne pas faire de discrimination envers les autres espèces. Nous ne ne pouvons plus continuer à exploiter les animaux comme s’ils nous étaient inférieurs. Les études scientifiques qui paraissent ces dernières années sont claires : les animaux non humains sont pour la plupart dotés de sentience (capacité à ressentir les émotions notamment), et l’éthique nous invite à les respecter en tant qu’individus, et donc arrêter de les exploiter comme nous le faisons aujourd’hui. Il est temps de changer radicalement de paradigme.

Comment oeuvrez-vous de manière pratique au quotidien ?

Personnellement, j’ai arrêté de manger de la viande en 2010, puis du poisson, et j’essaye de limiter au maximum les produits dérivés (produits laitiers, oeufs, miel etc). C’est difficile, mais il faut essayer de tendre vers cela. En pratique, je ne vais plus faire les courses au supermarché. Je vais vraiment privilégier les produits du potager, les circuits courts, les aliments éthiques. Comme je cherche à limiter mes déchets, j’achète en vrac. Je n’achète plus grand-chose de neuf (habits, mobilier par exemple). Je vais beaucoup sur des sites de produits de seconde main, ou je fais du troc. Je fais beaucoup les choses par moi-même : la cuisine bien sûr mais aussi les produits d’hygiène ou ménagers, avec peu d’ingrédients. Je fais attention à économiser les ressources (eau, énergie), ce qui est économique par la même occasion. J’essaie d’être cohérente et d’incarner les valeurs que je prône le plus possible, même si bien sûr, on n’est pas parfait, et qu’il est difficile de se passer des transports polluants par exemple. J’essaie de ne pas faire semblant. De ne pas jouer un rôle. De faire les choses de plus en plus en conscience, et de méditer quotidiennement. Parce que c’est en montrant l’exemple que l’on est le plus crédible. 

Dans un futur idéal, quel événement marquerait pour vous la réussite pleine et entière du message que vous portez ?

J’aimerais que davantage de lois protégeant les animaux et la nature soient votées et  surtout appliquées. Certaines mesures seraient symboliques mais efficaces : par exemple arrêter de faire des cadeaux aux chasseurs qui continuent à massacrer des espèces pourtant protégées, interdire la corrida, les cirques avec animaux sauvages, les delphiniums, interdire les pesticides… Ou augmenter le nombre de zones préservées, introduire le « rewilding » (réensauvagement) etc… il y a tellement  de choses à améliorer ! Ces mesures permettraient de montrer que le curseur a bougé, que nous sommes prêts pour le monde de demain, que nous avons mûri et compris que la planète est à bout de souffle et que nous devons réagir.

Quel regard portez-vous actuellement sur la société française ?

Les études sur l’état de la planète se succèdent et toutes indiquent que la 6e extinction de masse a commencé, et que nous allons droit vers l’effondrement. Malgré cela, nous continuons à nier cette réalité, en raison de croyances limitantes comme : « ce qui compte, c’est l’argent » et le profit à court terme. La société humaine dans l’ensemble semble bien se moquer des dégâts déjà causés et ne songe pas à sortir de ce modèle capitaliste destructeur. J’ai envie de dire à tout le monde : « Eteignons les télévisions et plantons des arbres ! ». Mettons la main dans la terre pour se rendre compte que la vie est là. Elle n’est pas derrière un écran. Je pense que la société française devrait un petit peu se secouer. Si les gouvernements avaient le courage de fermer un peu plus la porte aux lobbies qui font passer le capitalisme avant le bien-être général, on pourrait avoir une idée d’un futur pour la planète.

En dehors du domaine de l’écologie, il y a-t-il une cause qui vous tient particulièrement à cœur ?

Oui. Je suis très sensible à la lutte contre la violence envers les femmes. Je ne supporte pas l’idée que certaines femmes puissent voir leur vie brisée à cause de violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Elles sont hélas extrêmement nombreuses. Malgré le phénomène #Metoo,  qui a permis de libérer la parole de certaines femmes, nous ne nous rendons pas compte à quel point la moindre agression peut laisser des séquelles psychologiques à vie. Pour moi, l’avenir de l’humanité repose sur le bon sens féminin. Je pense que les femmes sont encore trop effacées face à la suprématie masculine. Il y a un équilibre à rétablir. Il ne s’agit pas d’écraser les hommes, mais d’accorder plus de place aux valeurs féminines comme la compassion, l’altruisme… Parce que nos sens sont plus aiguisés dans cette direction et que le monde en a besoin.

Quelles sont les étapes que vous avez franchies pour parvenir à une plus grande ouverture de conscience ?

A titre personnel, j’ai eu la chance d’avoir une enfance très heureuse. Cela ne m’a pas empêché, à l’âge adulte de traverser une série d’épreuves difficiles. C’était le premier palier : celui de la déconvenue, de la souffrance. Il faut parfois toucher le fond pour remonter à la surface, plus forte.

Ma deuxième étape fut en 2009 : je vivais et consommais comme tout le monde. Je travaillais beaucoup. J’ai commencé à m’impliquer dans des associations et j’ai visionné un film qui s’appelle « Earthlings ». Il m’a beaucoup marqué. Je n’ai pas pu le voir en entier parce qu’il montrait toute une série d’images sur l’exploitation animale. C’était des images très dures. Je n’ai plus jamais réussi à remanger de la viande après avoir vu ce documentaire. Cette étape m’a obligée à repenser mon alimentation. J’ai commencé à faire des courses dans des magasins biologiques, et, à découvrir un autre univers. Cela m’a ouvert une porte sur une autre façon de consommer. 

En même temps, il y a eu quelque chose de précis qui m’a permis d’avancer d’un cran supplémentaire : les séances d’hypnose. J’avais des soucis non réglés qui dataient de la période de mes 25 ans : deux séances m’ont permis de lever des blocages de façon incroyable. C’était fulgurant parce que du jour au lendemain, j’ai pu prendre des décisions qui ont changé ma vie. 

La dernière étape est la découverte de la communication intuitive avec les animaux. Cela a levé le voile sur l’invisible, sur tout ce que je ne soupçonnais pas. En participant à ces stages, j’ai vécu des expériences subtiles, et j’ai appris à méditer. C’est là que je me suis rendue compte qu’il y a autre chose que ce que l’on voit avec les yeux  J’avais une vision assez cartésienne de la vie avant. Mais le fait de voir avec le Coeur m’a donné l’impression de renaître une seconde fois, avec un angle différent.

Depuis, cela n’arrête pas d’évoluer. J’ai d’autres étapes à franchir et encore beaucoup à apprendre ! 

Si vous aviez une baguette magique et que tout était possible, quel serait le vœu que vous formuleriez pour voir advenir le monde tel que vous le rêvez ?

Avec une baguette magique, on pourrait faire une seule action qui pourrait avoir un effet domino et des répercussions sur toute la planète. Donc, mon vœu serait d’arriver à enlever les œillères qui empêchent les humains de réagir à l’effondrement qui a commencé. 

Immobilisés par la peur, restant engoncés dans des croyances limitantes, nous aurions tous bien besoin d’ouvrir les yeux afin de regarder la vie telle qu’elle est en réalité : précieuse, fragile, à préserver absolument dans sa diversité. Nous verrions qu’il est complètement dingue de vouloir « se tirer des balles dans le pied » en continuant à détruire notre entourage.

De la même façon, si une baguette magique pouvait redonner aux êtres humain la possibilité de se reconnecter à leur l’intuition et à leur coeur, gageons que de meilleures décisions en découleraient!

Entretien réalisé en mai 2019