Interview réalisée en novembre 2017, non publiée en presse papier
Depuis 1995, l’association One Voice prône la non-violence pour dénoncer la cruauté envers les animaux. Défendant une éthique animale et planétaire, dénonçant l’exploitation animale sous toutes ses formes, sa fondatrice et présidente Muriel Arnal nous en dit plus sur le combat qui l’anime au quotidien.
Qu’est-ce qui vous a poussée, dès 1995 à fonder One Voice?
Muriel Arnal – J’ai été frappée enfant par le regard d’une éléphante de cirque enfermée dans un camion. Cette image profondément triste m’a suivi pendant des années. Au début de l’adolescence, j’ai été inspirée par la vie de combat de Diane Fossey pour les Gorilles en Afrique, et me suis promis de défendre les animaux du joug humain en grandissant. En 1995, ce qui m’a poussée à fonder l’association est le terrible destin des animaux utilisés pour l’expérimentation. One Voice se bat contre l’errance et la maltraitance sur les animaux de compagnie, pour la sauvegarde des animaux sauvages, contre l’exploitation des animaux pour la mode (fourrure, cuir), le divertissement (cirques, delphinariums), l’alimentation, et contre l’expérimentation sur animaux.
Avez-vous l’impression qu’une prise de conscience, ces derniers temps, permet de faire reculer la souffrance animale en France et dans le monde, ou au contraire, ce phénomène s’accentue-t-il ?
Nous remarquons une prise de conscience assez généralisée de la souffrance animale. Cela a fait suite à la loi qui a fait passer les animaux du statut d’objets inanimés à celui d’êtres doués de sensibilité (Ndlr : art. 2 de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation du droit). Mais les choses ne bougent que si l’on est soi-même acteur du changement: autrement dit, les habitudes ont la vie dure, et One Voice fait en sorte d’être entendue sur ces sujets pour que la souffrance animale recule, en France, en Europe, et dans le Monde.
Nous participons à des groupes de travail sur l’élaboration des lois européennes sur le droit des animaux, et portons de nombreuses plaintes chaque mois contre la maltraitance d’animaux de compagnie. Il reste beaucoup à faire, dans les cirques et delphinariums, partout où les animaux sont gardés captifs. L’industrie chimique, de l’agro-alimentaire et de la mode restent très puissants, et certains combats sont de longue haleine. En revanche, l’extinction de nombreuses espèces animales en parallèle de l’urbanisation de la planète et de sa pollution, traduisent le fossé entre ce que font les humains et ce qu’ils disent vouloir… C’est une situation paradoxale et urgente à traiter.
Le débat sur la fin des animaux sauvages dans les cirques bat actuellement son plein en France, surtout depuis le décès tragique de la tigresse Mevy, dans les rues de Paris. One Voice a porté plainte pour atteinte à l’intégrité physique de l’animal. Quels sont les arguments juridiques en votre faveur ?
Le décès de la jeune tigresse Mevy est un drame, qui est révélateur de la situation doublement aberrante de la France sur la question des cirques, et du folklore lié à l’exploitation des animaux dans notre pays.
La première incohérence, c’est que les espèces issues de la faune sauvage exhibées dans les cirques sont toutes en danger d’extinction et de tels spectacles valorisent la domination de l’homme sur l’animal. Or les générations futures ont besoin d’être éduquées sur l’animal lui même, sur ses besoins, sa nature pour pouvoir protéger efficacement tant chaque individu animal que l’espèce à laquelle il appartient.
La seconde, qui est un scandale également, est la situation de danger dans laquelle les cirques mettent la population, dès lors qu’un animal sauvage (donc dangereux, pour ceux détenus par les cirques: tigres, lions, éléphants…) s’échappe ou est maintenu dans des conditions non sécurisées pour le public et les personnes alentour, ce qui est loin d’être rare!
De plus en plus de communes interdisent sur leur sol les spectacles utilisant des animaux sauvages. Que faudrait-il selon vous pour convaincre le Gouvernement d’accélérer le pas?
Oui, plus de 65 communes en France, 10 pays membres de l’Union Européenne, 22 pays dans le Monde ont interdit aux cirques avec animaux de faire des représentation sur leur territoire. L’Italie et l’Irlande, les derniers en date ont pris cette décision début novembre.
Pour faire qu’une loi voit le jour dans ce sens, il faudra que nous continuions notre combat pour défendre les animaux, les sauvages et les autres. One Voice porte en ce moment même la voix de l’éléphante Maya au Ministère de la transition écologique, avec le soutien de plus de 100 000 personnes ayant signé la pétition pour la sauver du cirque qui l’exploite, dont des personnalités telles Laurence Parisot, Christine Bravo, Jacques Perrin, Franck Sorbier… Cela fait plus de quarante ans qu’elle passe du camion à la piste, elle exprime tous les signes du mal-être animal en captivité. Nous avons aussi établi un partenariat avec Jacques-Antoine Granjon, qui a cosigné une lettre au Ministre d’Etat Nicolas Hulot, sur ce sujet en particulier.
Chez One Voice, nous connaissons bien les contraintes liées au sauvetage d’animaux: lors de l’arrêt de la « danse » des ours en Inde, nous avions un plan de reconversion des dresseurs et des lieux d’accueil dans des sanctuaires pour les animaux.
En mai 2017, le ministère de l’environnement a interdit la reproduction des orques et des dauphins captifs, ainsi que les échanges entre parcs, signant ainsi la fermeture à terme des delphinariums. Mais cet arrêté fait l’objet d’un recours : qu’en est-il aujourd’hui ?
Cet arrêté est une belle victoire, car en effet, il signe l’arrêt des delphinariums à terme. Mais avec les dauphins et orques encore captifs actuellement, cela n’aura pas lieu avant de nombreuses années, de tours de bassins minuscules pour ces animaux qui ont un besoin vital de grands espaces et d’activité, ainsi qu’une vie sociale complexe basée sur les liens familiaux.
Les delphinariums (Ndlr : comme le Marineland) ont déposé un recours au Conseil d’Etat, qui n’a pas encore fixé de date pour le traitement de celui-ci. Il y a tant à faire pour ces mammifères marins captifs! Malgré cette décision ministérielle de ne pas développer les delphinariums, tant d’animaux restent encore dans les bassins, à souffrir, que nous devons faire en sorte de libérer!
La science reconnait les animaux comme des êtres sensibles. Pourtant, lors d’un vote fin novembre, les parlementaires britanniques ont rejeté la loi qui définit les animaux non humains comme des êtres doués de sensibilité. Comment expliquer un tel retour en arrière?
Nous ne l’expliquons pas, l’association a dénoncé cette décision des parlementaires britanniques avec vigueur. Comme on peut le constater chaque jour, la science et le droit ne cheminent pas encore de manière parallèle et rationnelle côté à côte. L’un précède l’autre, bien souvent, et les intérêts des sociétés humaines en termes de suprématie sur les autres espèces est bien souvent contraire à l’intéret des animaux non humains.
La «cellule Zoé», du nom de la petite chienne sauvée lors d’une saisie en 2011, permet à One Voice d’intervenir sur le terrain pour faire cesser des maltraitances sur les animaux de compagnie. Combien d’animaux sont sauvés chaque année grâce à ce dispositif?
La Cellule Zoé intervient sur le terrain pour sauver des animaux, mais elle permet aussi de porter plainte et obtenir des peines de prison pour les agresseurs. La Cellule Zoé agit pour faire reconnaitre en droit le lien existant entre la violence perpétrée sur les animaux et celle perpétrée sur les personnes les plus vulnérables du domicile familial: compagnes, et enfants. Le travail conjoint de sauvetage, et de défense des victimes animales concourt par la pénalisation des crimes sur animaux à des jurisprudences utiles pour le droit des animaux.
Comment convaincre les éducateurs canins et les propriétaires de chiens de recourir à l’éducation non violente, encore très présente?
Pour une éducation non-violente, il faut tout d’abord ne pas considérer son chien comme un subalterne, mais comme un ami animal. Il faut savoir décoder ses comportements et aussi se connaître soi-même. Enfin, il s’agit d’un travail de pédagogie que nous mettons en place.
One Voice organise des conférences de vétérinaires qui enseignent les manières de faire bénéfiques au bien-être des animaux pour une bonne entente entre les humains et leur(s) compagnons. L’amour et le refus de la violence sont les deux éléments majeurs de l’éducation et de la bonne entente entre les êtres, tous les êtres, même les humains.